Jusqu'ou une mere aimante peut-elle supporter la tyrannie d'un fils unique possessif a l'extreme ?Elle reprit son stylo et leva la tete. Au suivant ! L'homme d'une cinquantaine d'annees qui s'avanca vers elle la scrutait de ses yeux bleu lavande, un large sourire aux levres. Les joues empourprees, la patronne tira nerveusement sur les manches de sa robe aux bords elimes, puis remit l'enveloppe contre une signature sur le livret de comptes. Les doigts rugueux de l'ouvrier effleurerent les siens, qui se deroberent sous la caresse inattendue. Mains a plat sur les cuisses, elle n'osait croiser son regard. L'homme posa le stylo, empocha l'argent puis chargea son baluchon sur son epaule. - Dois-je vous inscrire pour la saison prochaine ?Ah ! ne lui parlez pas d'enfant ! Cette veuve n'a qu'un fils qui lui pourrit la vie au-dela du supportable... sa vie qu'elle souhaiterait ranimer avec un autre homme aimant...Eva Scardapelle nous embarque dans cette histoire a la fin glacante, et, ne le repetez pas, en complice de papier, on adhere totalement a cette chute !EXTRAITA la mort de son mari, ravagee par le chagrin, elle avait emis le souhait de vendre, estimant la charge de travail insurmontable. Antoine n'avait pas releve. Le soir meme, il avait disparu. Edmonde etait restee quatre jours sans nouvelles. Le premier matin, affolee, elle avait parcouru les terres a sa recherche, appele le peu d'amis qu'il avait. En vain. A vingt et un ans, c'etait la premiere fois qu'il decouchait. Pendant son absence, a raison de douze heures par jour, elle avait fait de son mieux pour s'occuper du cheptel, mais n'avait pu traire toutes les chevres, ni promener les chevaux. Le cinquieme jour, reveillee a l'aube par ce qui lui sembla etre des coups de tonnerre, elle s'etait precipitee a la fenetre. Ecartant de ses doigts febriles les doubles rideaux en velours, elle fut eblouie par la lumiere emanant de l'atelier de ferronnerie. Son peignoir serre contre sa poitrine, elle avait rejoint le batiment eclaire et entrapercu son fils, penche sur l'etabli. Elle avait pose une main sur son avant-bras avec douceur. Antoine s'etait retourne, puis, saisissant sa mere par les epaules, il l'avait ecartee d'un geste brusque, refusant son regard.A PROPOS DE L'AUTEUREva Scardapelle est le pseudo d'une normande qui deteste sa region mais qui y vit quand meme. Quand elle etait ado, elle ecrivait des nouvelles de science-fiction. Libre et sans scrupules, elle a depense beaucoup d'argent - parfois, qu'elle n'avait pas - pour voyager en Asie et Amerique du Sud. Elle reve d'y repartir. On lui a dit qu'il valait mieux faire quelque chose de serieux dans la vie. Du coup, elle est devenue manager commercial. Rincee au bout de 20 ans, elle a lachement abandonne ses troupes pour se reconvertir. Dans quoi ? Elle cherche toujours. Petrie de contradictions, elle adore s'enfermer dans sa maison pour lire et regarder des films asiatiques. Bref, pour ne rien faire, dirait la majorite des gens. Des gens qu'elle apprecie de moins en moins, et qu'elle decoupe volontiers au couteau, dans quelques nouvelles noires. SKA est son premier editeur et elle n'en revient toujours pas.